Revente d’un immeuble par un marchand de biens : évolution de la jurisprudence administrative
Petit rappel historique :
Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 27.11.2020 (n° 426091, Lord Byron) a confirmé la position de la CAA de Paris et celle de la doctrine administrative selon laquelle, lorsque la livraison d’un immeuble porte sur un terrain non à bâtir ou un immeuble achevé depuis plus de 5 ans, opération qui est exonérée de plein droit de la TVA selon l’article 261-5 1° et 2° du CGI, la TVA incluse dans le coût d’achat du bien et les autres frais rattachables à la livraison de l’immeuble est réputée non déductible, et ne peut l’être qu’une fois l’option pour le paiement de la TVA exercée dans l’acte de revente (BOI-TVA-IMM-10-30, 17/03/2021, n° 80).
Cette décision de non-déductibilité a été prise alors même que les immeubles commerciaux étaient, dans l’affaire soumise au Conseil d’Etat, donnés en location sous TVA, leur propriétaire ayant formulé l’option pour la soumission des loyers à TVA prévue à l’article 260-2° du CGI.
Le rapporteur public, Céline GUIBE, considérait en effet que le lien tissé entre achat et revente de ces immeubles (exonérée de TVA sauf option) devait être privilégié au détriment de l’activité locative (soumise à TVA) et empêchait ainsi toute récupération de TVA incluse dans le prix d’achat et les travaux de rénovation réalisés, puisque les immeubles avaient été, dans l’attente de leur revente, inscrits en stock et non en immobilisations.
Cette décision avait été vivement critiquée par de nombreux auteurs, dont deux avocats dans un feuillet rapide de EFL (FR 1/21), qui rappelaient que l’analyse ci-dessus allait à l’encontre de la jurisprudence de la CJUE, laquelle écarte toute exigence de répercussion effective du prix de la dépense dans les opérations en aval réalisées par un assujetti et affirme de manière constante que c’est uniquement l’utilisation de la dépense pour des opérations soumises à TVA qui conditionne le droit à déduction.
Réponse à la députée Véronique LOUWAGIE, AN 27.06.2023, n° 5633
Les critiques émises par l’ensemble des acteurs du monde immobilier semblent avoir été entendues puisque l’administration fiscale vient, dans une réponse à la députée LOUWAGIE , de faire évoluer partiellement les conditions de déduction de la TVA incluse dans le coût de revient des immeubles inscrits en stock, en permettant, dès lors que les immeubles en stock peuvent être assimilés à des immobilisations au regard de certaines règles de TVA, de déduire la TVA incluse dans le coût d’achat de ces biens de celle encaissée sur les recettes générées par leur mise en location.
Cette assimilation à des immobilisations est prévue au 3 du IV de l’article 207 de l’annexe II du CGI.
Ainsi, un immeuble comptabilisé en stock est assimilé à une immobilisation lorsque, au 31 décembre de la 2e année qui suit celle au cours de laquelle est intervenu l’achèvement de l’immeuble, il est utilisé pendant plus d’un an pour une activité économique soumise à TVA.
La réponse précise également que l’affectation à une activité économique de location est établie même en cas de locaux partiellement vacants, dès lors que le propriétaire assujetti est en mesure de démontrer qu’il est en recherche active de locataires.
Conséquences favorables pour nos clients marchands de biens :
Alors que jusqu’à présent nos clients marchands de biens ne pouvaient récupérer la TVA incluse dans le coût de revient d’un immeuble inscrit en stock (au contraire des promoteurs constructeurs d’immeubles neufs), ils pourront dorénavant récupérer celle incluse dans leur prix d’achat, dès lors que l’immeuble est loué sous TVA pendant au moins 12 mois au-delà du 31/12/ N+2 ( N étant l’année de l’achèvement de l’immeuble) .
Attention !
Cette solution favorable n’est pour l’instant que partielle, car seule est visée la TVA incluse dans le coût d’achat de l’immeuble.
Reste encore aujourd’hui non déductible (aussi longtemps que l’option pour la TVA dans l’acte de revente n’aura pas été prise), la TVA sur les autres dépenses engagées en vue de la revente de l’immeuble, telle que la TVA incluse dans le coût des travaux de rénovation réalisés, qui viennent majorer le coût de revient de l’immeuble inscrit en stock. En revanche, la TVA grevant les travaux de petit entretien et réparations demeure déductible parce que considérée en lien avec la mise en location sous TVA du bien.
Enfin, si l’option pour le paiement de la TVA sur la revente n’est pas prise dans l’acte de revente, la TVA récupérée sur le prix d’acquisition du bien doit bien entendu faire l’objet d’un reversement.
Ce reversement diminue avec le temps à compter de l’assimilation de l’immeuble à une immobilisation, et est similaire au traitement des immeubles comptabilisés en stock et donnés en location sous TVA par les promoteurs constructeurs.
Un arbre de décision est en cours d’établissement par nos soins et sera mis à la disposition de ceux qui le demanderont à : accueil@fournaise.net
A nos confrères intéressés par la TVA immobilière,
- Le club fiscal des experts comptables organise sa conférence mensuelle sur ce sujet vaste et sensible, le 14 septembre 2023 à 9h30. Elle sera animée par Tania FOURNAISE et Eric DUMARTIN.
A nos confrères et autres conseils intéressés par la TVA immobilière,
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